• Les sacrées tribulations de l’arche d’alliance

    Les sacrées tribulations de l’arche d’alliance

    Ce sanctuaire itinérant, qui renfermait les tables de la Loi remises par Dieu à Moïse, accompagna les Hébreux dans leur périple vers Canaan et sa conquête. Or, une fois placé dans le temple de Salomon, sa mention disparaît de la Bible. Qu’est-il donc advenu de l’arche perdue ?
     
     
    Le roi David portant l’arche d’Alliance à Jérusalem. Tableau de Domenico Gargiulo (vers 1640), musée Pouchkine, Moscou
    Le roi David portant l’arche d’Alliance à Jérusalem. Tableau de Domenico Gargiulo (vers 1640), musée Pouchkine, Moscou • WIKIMEDIA COMMONS
     
    L’un des moments les plus dramatiques du récit relaté dans le livre de l’Exode est celui où Moïse, convoqué par Yahvé au sommet du mont Sinaï, se tient en présence de son dieu durant 40 jours et 40 nuits. Yahvé donne alors à Moïse des instructions précises sur les objets sacrés qui doivent être fabriqués pour son culte par l’artisan Betsaléel, de la tribu de Juda : un coffre, une table, un chandelier, une tente, un autel, un parvis sacré délimité par des toiles de lin, des vêtements pour les desservants et une grande cuve en bronze pour les ablutions.
     

    L’élément premier et le plus sacré de cet ensemble complexe est le coffre (en hébreu ‘aron, en latin arca), connu sous le nom d’« arche d’alliance ». Il est fait de bois d’acacia, long de deux coudées et demie (soit 1,25 m), large et haut d’une coudée et demie (soit 0,75 m). Le bois est recouvert à l’intérieur et à l’extérieur d’un placage d’or pur. À chacun des quatre pieds du coffre est attaché un anneau d’or. Dans les anneaux passent deux longues barres en bois d’acacia couvert d’or pour le transport de l’arche. Le coffre est fermé par un couvercle fait d’une plaque d’or pur de 1,25 sur 0,75 m, sur lequel sont placés deux génies protecteurs appelés des keroubim (ou « chérubins »), attestés aussi dans la langue babylonienne sous la forme karibou (le « bénisseur »).

    Les bas-reliefs néoassyriens montrent de tels génies pourvus de deux paires d’ailes, qui servent de gardiens protégeant l’accès à une divinité. Ce couvercle, souvent appelé aussi « propitiatoire », est considéré comme l’endroit qui sert de piédestal à la divinité invisible, gardée par les ailes déployées des deux chérubins.

    La présence invisible de Yahvé

    Ce qui fait la valeur sacrée de l’arche est évidemment ce qu’elle contient : les deux tablettes de pierre sur lesquelles ont été gravées les clauses de l’alliance passée par Yahvé avec les Hébreux et que Moïse, sur l’ordre du dieu, a déposées à l’intérieur du coffre sacré. Mais ces deux tables de pierre sont aussi, d’une certaine manière, des symboles de la présence de Yahvé, dont il est interdit de fabriquer une représentation.

    Cette tradition aniconique est bien connue pour le monde biblique, mais elle est également attestée chez d’autres peuples du Proche-Orient occidental à travers le culte des pierres, les bétyles, qui peuvent être de grandes pierres dressées, mais dont on connaît aussi des versions portatives de petite taille.

    Les Nabatéens de Pétra transportaient ainsi, à partir du VIe siècle av. J.-C., des bétyles au cours de leurs voyages caravaniers. L’Arabie préislamique a connu elle aussi des sanctuaires portatifs où étaient déposées des représentations symboliques des déesses Al-Uzza et Allat, qui furent plus tard remplacées par des exemplaires du Coran. Et cette pratique n’était pas réservée aux peuples nomades puisque, selon l’auteur Philon de Byblos, les Phéniciens rendaient un culte à deux divinités agraires appelées Agros et Agrothès, qui étaient transportées sur un char tiré par des bœufs.

    Dans sa version première, l’arche d’alliance est donc l’élément principal du sanctuaire mobile qui accompagne les Hébreux dans leurs déplacements, à partir du moment où ils sont devenus le peuple de Yahvé. Pendant le reste du séjour dans le désert, c’est dans ce sanctuaire que les Hébreux viennent lui rendre hommage et consulter ses oracles.

    L’arche d’alliance devient dans le livre de l’Exode une arme qui manifeste la puissance terrible de Yahvé en chef de guerre.

    Au souffle épique du livre de l’Exode et de l’alliance nouée entre Yahvé et son peuple succèdent les épisodes sanglants de la conquête de Canaan. L’arche d’alliance devient alors une arme qui manifeste la puissance terrible de Yahvé en chef de guerre.

    À l’instigation de Josué, nouveau guide des Hébreux après la disparition de Moïse, elle ouvre la voie lors du passage du Jourdain, portée par les prêtres cohanim et précédant le peuple entier. Elle joue un rôle décisif lors de la prise de la ville cananéenne de Jéricho : précédée de sept prêtres sonnant de la trompe et suivie de l’armée des Hébreux, elle est portée six jours de suite autour des murailles de Jéricho. Le septième jour, les murailles s’effondrent.

    Après la conquête, l’arche est déposée dans le territoire qui a été attribué à la tribu de Josué, la montagne d’Ephraïm, avec les lieux sacrés de Sichem, de Béthel et de Silo.

    Une aura sacrée, mais dévastatrice

    Il faut cependant attendre le livre de Samuel pour que l’arche d’alliance joue à nouveau pleinement son rôle, au cours des guerres féroces qui opposent le peuple d’Israël aux Philistins. L’arche devient une sorte de recours ultime lorsque, vaincus une première fois par les Philistins, les Anciens d’Israël décident de faire venir l’arche depuis Silo : elle est accueillie par une formidable ovation dans le camp hébreu, et son apparition terrifie les Philistins. Pourtant, ceux-ci remportent une victoire décisive à Eben Ezer et s’emparent de l’arche, dont les deux gardiens sont tués.

    Devenue trophée de victoire, l’arche est emportée par les Philistins dans le temple du dieu Dagan, à Ashdod. C’est alors qu’elle révèle sa puissance destructrice : la statue de Dagan s’écroule à terre à deux reprises, et une épidémie frappe le peuple d’Ashdod. Le transfert de l’arche dans d’autres villes philistines, à Gad puis à Ekron, produit les mêmes effets…

    Au bout de sept mois, les Philistins finissent par restituer l’objet sacré aux Hébreux, accompagné d’offrandes réparatrices. Le récit biblique insiste ici sur un aspect qui peut paraître paradoxal : l’aura sacrée qui émane de l’arche d’alliance et qui lui donne sa puissance destructrice frappe aussi bien les ennemis d’Israël que ceux des Hébreux qui osent porter le regard ou la main sur elle sans y être autorisés.

    Ainsi, lorsqu’elle est rendue à Israël par les Philistins dans le village de Beth Shemesh, 70 des habitants meurent pour avoir regardé l’arche et profané son mystère. Elle est donc déposée dans le village de Kiryat-Yéarim, à une vingtaine de kilomètres de Jérusalem, où elle demeure plus ou moins oubliée pendant 20 ans.

    Le voyage s’achève enfin

    Mais lorsque Israël se transforma en un État royal à l’image de ses voisins proche-orientaux puis se dota, à l’initiative du roi David, d’une capitale et d’un palais royal à Jérusalem, se posa la question du lieu où devait être célébré le culte de Yahvé.

    Dans le livre de Samuel, le rêve au cours duquel Yahvé s’adresse au grand prêtre Nathan témoigne du changement de statut qui va affecter l’arche d’alliance : « Ainsi parle le Seigneur : Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ? Depuis le jour où j’ai fait monter d’Égypte les fils d’Israël et jusqu’à ce jour, je n’ai jamais habité dans une maison ; j’ai été comme un voyageur, sous la tente qui était ma demeure. »

    Si Yahvé accepte finalement le transfert de l’arche jusqu’à Jérusalem, ce n’est pas encore pour y résider dans un bâtiment. David fait alors en sorte que l’arche repose sous une tente, selon la tradition. Le transfert de l’arche vers Jérusalem, d’abord déposée sur un char tiré par des bœufs, puis portée par des hommes, ressemble beaucoup aux cortèges au cours desquels les représentations de certaines divinités proche-orientales sortaient de leur résidence habituelle pour circuler sur des parcours ritualisés, accompagnées de musique, de chants, de danses (dont ici celle du roi lui-même) et d’offrandes, et marquaient ainsi leur mainmise sur leur territoire.

    L’arche trouve finalement sa place dans le saint des saints du temple édifié par le roi Salomon à Jérusalem.

    On sait que c’est à Salomon que revint le privilège de bâtir le temple de Yahvé à Jérusalem et d’y déposer finalement l’arche dans la chambre sacrée, à l’endroit où résidait normalement la statue de culte. Selon le premier livre des Rois, elle y reposait sous la protection de deux statues de keroubim en bois d’olivier, hautes de 5 m : « Puis les prêtres transportèrent l’Arche à sa place, dans la Chambre sainte que l’on appelle le Saint des saints, sous les ailes des keroubim. […] Dans l’Arche, il n’y avait rien, sinon les deux tables de pierre que Moïse y avait placées au mont Horeb, quand le Seigneur avait conclu alliance avec les fils d’Israël, à leur sortie du pays d’Égypte. Quand les prêtres sortirent du sanctuaire, la nuée remplit la maison du Seigneur. »

    Si l’arche est donc un élément de la présence divine, assimilé au piédestal sur lequel celle-ci s’appuie, c’est surtout par la nuée que cette présence se manifeste.

    Une disparition non élucidée

    Dès lors, l’arche n’est presque plus mentionnée dans le récit biblique. Le livre des Chroniques mentionne que le roi Josias de Juda (640-609 av. J.-C.) indique qu’elle doit rester à demeure dans le temple et que les Lévites n’ont plus à la transporter. Elle n’est en tout cas pas citée dans le butin que tire Nabuchodonosor II du temple de Jérusalem en 587, ni dans ce que Cyrus restitua aux gens de Juda revenant d’exil. Le second temple restauré et agrandi par Hérode le Grand à partir de 19 apr. J.-C. ne la renfermait pas non plus. L’arche avait donc disparu.

    Le second livre des Maccabées parle d’un écrit mystérieux rapportant comment le prophète Jérémie, au moment de quitter Jérusalem après sa destruction par les Babyloniens en 587 av. J.-C., aurait emmené et caché dans une grotte située au pied du mont Nébo (d’où Moïse avait vu la Terre promise et où il était censé être enterré), « la tente, l’arche et l’autel des parfums, après quoi il en obstrua l’entrée ».

    Mais, selon une autre tradition propre à l’Éthiopie, le roi Salomon aurait donné l’arche à Ménélik, le fils qu’il avait eu de la reine de Saba lors du séjour de celle-ci à Jérusalem, et qui fut le fondateur de la royauté éthiopienne. L’arche serait donc toujours en Éthiopie, conservée à l’abri des regards dans l’église Maryam Seyon, à Aksoum. Enfin, une œuvre récente de fiction établit qu’après avoir été retrouvée à Tanis en Égypte, l’arche aurait été férocement disputée entre les archéologues René Belloq et Henry Jones Jr. (le fameux « Indiana »), avant de disparaître à nouveau.

    L’arche d’alliance a donc revêtu des aspects multiples et qui sont étroitement liés au récit biblique de l’Exode, puis à la prise de possession du pays de Canaan : elle fut le réceptacle sacralisé dans lequel fut déposé le texte de l’alliance passée entre Yahvé et les Hébreux, mais elle fut aussi le piédestal permettant à la présence divine de siéger dans toute sa gloire et sa redoutable puissance.

    Participant de la divinité, l’arche ne devait être ni vue ni touchée par des profanes, et la mort frappait ceux qui se rendaient coupables d’un tel sacrilège, même parmi le peuple d’Israël.

    Étant transportable, l’arche a suivi les Hébreux dans leurs pérégrinations, comme le faisaient d’autres peuples du Proche-Orient avec leurs sanctuaires mobiles. Mais, participant de cette divinité, l’arche ne devait être ni vue ni touchée par des profanes, et la mort frappait ceux qui se rendaient coupables d’un tel sacrilège, même parmi le peuple d’Israël. D’une certaine manière, l’histoire de l’arche s’arrête au moment où elle est déposée dans le saint des saints du temple de Jérusalem, car sa fonction de réceptacle mobile de la puissance divine n’avait alors plus de raison d’être.

    Pour en savoir plus
    La Bible dévoilée, d’Israel Finkelstein et Neil Asher Silberman, Gallimard (Folio), 2004.

    Source: https://www.histoire-et-civilisations.com/thematiques/antiquite/les-sacrees-tribulations-de-larche-dalliance-2072.php

     

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