Mais, après les premières persécutions et la catastrophe de l’an 70, les premières communautés fondées en Terre sainte par les apôtres durent prendre le chemin de l’exil et vivre dans la clandestinité afin de sauvegarder leur foi judéo-chrétienne.
Au fil du temps, ces communautés exilées furent rejointes par un nombre toujours croissant de non-Juifs, dont quelques-uns, parfois très influents mais mal inspirés, apportèrent avec eux des fausses doctrines et des traditions issues du paganisme gréco-romain.
Alors que certaines congrégations, restées fidèles à la Torah et à l’enseignement des prophètes, continuaient à respecter le shabbat (samedi) et les fêtes bibliques, un autre courant, influencé par les « pères de l’Église », se développait au sein du christianisme en s’écartant toujours davantage de l’enseignement des débuts.
Et, dès le IVe siècle, lorsque la décision fut prise au concile de Nicée (en 325) de transférer officiellement le jour de culte du shabbat au dimanche et de célébrer Pessa’h (renommée « les Pâques ») à une autre date que celle du 14e jour du premier mois, la rupture entre le Judéo-christianisme et l’église de Rome fut définitivement consommée.
L’histoire nous apprend que ce fut le début d’une persécution à l’encontre de ceux que l’on appelait désormais avec mépris « les judaïsants ».
Si les premières communautés, constituées principalement de Juifs, mais aussi dans une moindre mesure de non-Juifs, ont d’abord dû faire face au rejet et à la persécution d’une partie des Pharisiens et des Sadducéens corrompus par le pouvoir romain, c’est finalement l’église de Rome qui, avec l’appui du pouvoir séculier, se chargera de reprendre le glaive de la répression pour de nombreux siècles contre à peu près tout ce qui n’était pas « catholique », et principalement contre les Juifs et les Chrétiens dits « judaïsants » ou « hérétiques ».
Seules quelques communautés, restées fidèles à l’enseignement des apôtres, ont pu traverser les siècles sous différents noms (Nazaréens, Ebionites, Pauliniens, etc), souvent en vivant dans l’exil et la clandestinité pour éviter les persécutions.
Le renouveau messianique
Le mouvement messianique juif moderne, que l’on peut considérer comme étant une des renaissances (3) du judéo-christianisme du premier siècle, est apparu en Angleterre au début du XIXe siècle.
C’est à Londres, en 1813, qu’une quarantaine de chrétiens d’origine juive fondent l’association « Bnei Abraham » (les Enfants d’Abraham). Puis, en 1866, le rabbin Carl Schwartz crée l’ « Hebrew Christian Alliance » (l’Alliance Chrétienne Hébraïque) regroupant l’association « Bnei Abraham », et l’« Hebrew Christian Prayer Union » qui, fondé vers 1880, rejoindra le mouvement de Carl Schwartz.
Le mouvement gagna les États-Unis au début du XXe siècle où le révérend John Mark Levy proposa à l’Église anglicane américaine la création d’une assemblée hébraïque semblable à l’Église du premier siècle. Avec l’assentiment de l’Église anglicane, l’Alliance Chrétienne Hébraïque Américaine (HCAA) verra le jour en 1915.
Si la Seconde Guerre mondiale mit un frein au développement du messianisme juif en Europe, il put tout de même s’épanouir aux États-Unis.
Ensuite, dans un désir d’indépendance vis-à-vis de l’Église anglicane, et en revendiquant son attachement au peuple juif, le mouvement messianique deviendra en 1975 «The Messianic Jewish Alliance of America » (MJAA).
De cette organisation sera issue en 1986 l’« International Alliance of Messianic Congregations and Synagogues » (IAMCS) qui regroupe la plupart des organisations juives messianiques dans le monde. L’Alliance Francophone des Juifs Messianiques (AFJM) en fait partie.
En 1925, les associations anglaises et américaines se regrouperont dans l’« International Hebrew Christian Alliance » qui donnera naissance à l’« International Messianic Jewish Alliance » (IMJA) en 1997.
Un autre mouvement verra également le jour à la fin du XIXe siècle ; il s’agit de l’association « The Chosen People Ministries », fondée à New York en 1894 par Leopold Cohn, un Juif hongrois immigré. L’organisation compte aujourd’hui quelque 30 congrégations réparties dans le monde et possède un centre d’étude messianique (The Charles Feinberg Center for Messianic Jewish Studies).
Précisons qu’il existe aussi d’autres organisations et ministères qui ont vu le jour, ou se sont développées, après la réunification de Jérusalem en 1967. Parmi ceux-ci, citons le mouvement « Jews for Jesus » (Juifs pour Jésus), fondé par Moishe Rosen en 1973 qui est proche du mouvement Évangélique, et l’organisation « Union of Messianic Jewish Congregations » (UMJC) qui, composée à ses débuts de 19 congrégations, compte aujourd’hui quelque 80 congrégations affiliées.
L’UMJC, fondée en 1979, représente la seconde tendance du messianisme juif moderne qui est considérée, selon certains, comme étant plus « libéral » que l’IMJA sur le plan doctrinal.
Aujourd’hui, la plupart des congrégations sont affiliées, soit à l’IAMCS, soit à l’UMJC ; mais il existe d’autres congrégations indépendantes de toute organisation qui travaillent néanmoins dans le même but que les autres associations.
En effet, loin d’être rivales ou concurrentes, ces différentes organisations et congrégations partagent la même foi et les mêmes idéaux. Elles travaillent d’ailleurs souvent ensemble dans des projets communs ou célèbrent des fêtes et des événements importants ensemble.
Ainsi, tout en conservant leur identité juive et en revendiquant leur attachement au peuple d’Israël, les Juifs messianiques reconnaissent que le Messie annoncé dans les Écritures est Yéchoua Ha Machiah (Jésus, le Messie) qui est venu comme Sauveur, a été crucifié, puis est ressuscité le troisième jour. Ils ont aussi l’espérance et la conviction que le Messie reviendra sur terre pour régner.
Les Juifs qui composent les assemblées messianiques pratiquent la circoncision et la bar mitzvah. Ils respectent le shabbat, les fêtes juives, les règles alimentaires kascher et conservent certaines traditions juives. Bien que leurs assemblées soient ouvertes aux non-Juifs, la spécificité de leur mission est d’abord d’annoncer le Messie Yéchoua à leurs coreligionnaires Juifs.
Aujourd’hui, le nombre de Juifs messianiques dans le monde est estimé à plus ou moins 250 000 personnes. Et, s’ils sont surtout présents aux États-Unis, leur nombre ne cesse de croître en Israël et partout dans le monde.
Notes
1) Yéchoua est le nom hébreu que portait Celui qui est connu dans le monde sous le nom gréco-romain de Jésus-Christ.
2) Le baptême judéo-chrétien par immersion n’est rien d’autre qu’un bain rituel dans le mikveh traditionnel juif (Lév. 8 : 4-6).
3) D’autres mouvements se réclament du judéo-christianisme du premier siècle. Quoique constitués principalement de non-Juifs, ces croyants gardent aussi le shabbat, les fêtes bibliques et les règles de la casheroute.
Jacquy Mengal
Source: https://frblogs.timesofisrael.com/le-mouvement-juif-messianique/